Le prêt levier : une stratégie audacieuse

Le prêt levier consiste à contracter un emprunt et à investir la somme reçue. Cette stratégie apporte une valeur ajoutée lorsque le rendement réalisé après impôt* est plus élevé que le coût du financement (taux du prêt). Toutefois, cette planification convient à peu de gens, car elle implique de posséder un portefeuille composé à  100 % de titres de croissance (aucun revenu fixe à l'exception des obligations à haut rendement). Avant d'augmenter son risque par l'effet de levier, l'investisseur doit se demander s'il est en mesure d'accepter que la composition de son portefeuille comprenne plus d'actions.

Les intérêts payés sur un emprunt pour un placement dans un compte d'épargne libre d'impôt (CELI), un régime enregistré d'épargne-retraite (REER) ou un régime enregistré d'épargne-études (REEE) ne sont jamais déductibles.

Le mot « levier » fait référence à un élément d'amplification des résultats. Si la stratégie fonctionne, on amplifie le taux de rendement. Inversement, un rendement décevant est également accentué.

* L'impôt calculé est celui qui s'applique sur le revenu généré, moins la partie des frais considérés comme déductibles par les autorités fiscales.

Avec levier financier
Taux de rendement10 %-10 %
Capital en main5 000 $5 000 $
Capital emprunté15 000 $15 000 $
Capital investi20 000 $20 000 $
Rendement réalisé2 000 $(2 000) $
Taux d'emprunt7 %7 %
Frais d'emprunt1 050 $1 050 $
Rendement net des frais950 $(3 050) $
Rendement sur capital en main19 %- 61 %


Sans levier financier
Taux de rendement10 %-10 %
Capital en main5 000 $5 000 $
Capital emprunté--
Capital investi5 000 $5 000 $
Rendement réalisé500 $(500) $
Taux d'emprunt0 %0 %
Frais d'emprunt--
Rendement net des frais500 $(500) $
Rendement sur capital en main10 %- 10 %

Le tableau ci-dessus indique qu'avant impôt, un rendement de 10 % pourrait se transformer en un rendement de 19 % par le levier. Par contre, une perte de 10 % pourrait devenir une perte de 61 %! Il est à noter que le prêt levier peut être remboursable en partie ou en totalité à très brève échéance sur l'initiative du prêteur. Par exemple, à l'aide du remboursement d'impôt, l'emprunteur peut acquitter très rapidement le prêt obtenu pour le levier.

Le levier peut aussi s'appliquer à des situations moins complexes, sans intérêts déductibles, et moins risquées, tels :

  • le financement de l'achat d'une résidence personnelle
  • l'emprunt pour se prévaloir de droits REER inutilisés, dans la mesure où l'expectative de rendement est supérieure au taux d'emprunt. Cependant, dans ce dernier cas, l'épargne systématique est plus efficace pour la composante à revenu fixe, car son taux de rendement est habituellement moins élevé que le taux d'emprunt.

Éléments favorisant le prêt levier

À long terme, les véhicules de placement plus risqués comme les actions devraient générer un rendement plus élevé que le taux d'emprunt.

  • Le taux maximal d'imposition du dividende (48,70 %) et du gain en capital (26,65 %) en 2024 est moins élevé que la déduction maximale procurée par les frais d'intérêts (53,31 %).
  • Combinant attentes de rendement et fiscalité, la stratégie peut produire à long terme un revenu additionnel. L'Autorité des marchés financiers exige que le risque soit clairement exprimé au client et que celui-ci signe un document confirmant qu'il a pris connaissance des conditions liées au prêt levier.

Éléments négatifs afférents au prêt levier

  • La pression psychologique sur l'investisseur peut faire en sorte que celui-ci soit tenté de vendre ses placements lorsqu'ils perdent de la valeur. Cependant, ce dernier devrait au contraire vendre ses titres lorsqu'ils atteignent un bon rendement et, avec le gain réalisé, acheter par la suite des titres qui sont stables ou qui devraient croître. Ainsi, l'investisseur sera moins exposé à des pertes de capitaux.
  • Cette stratégie fait perdre de l'argent pour toute partie du portefeuille constituée de titres à revenu fixe, car leur taux de rendement est habituellement moins élevé que le taux d'emprunt.
  • Les rendements plus élevés attendus sur les produits plus risqués sont très volatils rendant possible la perte de valeur, et cela, même sur une période plus longue (ex. : de 5 à 10 ans).
    Puisqu'il n'existe aucune relation entre le taux d'emprunt et le taux de rendement (quand les taux d'intérêt montent, les marchés financiers peuvent beaucoup fluctuer), on ne peut compter sur les revenus de placement pour payer les frais d'intérêts exigibles.
  • Bien que les autorités fiscales permettent, dans certains cas, la déductibilité des intérêts payés sur l'emprunt, il se peut que des changements soient apportés, puisque l'Agence du revenu du Canada étudie actuellement la question. Au Québec, la déduction annuelle des intérêts est limitée au rendement imposable déclaré.
  • L'Institut canadien des valeurs mobilières (ICVM) considère cette stratégie comme audacieuse même si les intérêts sont déductibles.
  • Les conditions du prêt peuvent stipuler qu'une partie ou la totalité du prêt peut être rappelée si le placement perd de la valeur, créant ainsi un problème de liquidité pour l'investisseur.

Le prêt levier vous convient-il?

Le prêt levier s'adresse à l'investisseur dont le profil est à peu près le suivant :

  • Il songe à cette stratégie compte tenu de sa grande tolérance aux risques comme le confirme son profil d'investisseur.
  • Il est à l'aise avec un portefeuille n'ayant pas de titres à revenu fixe.
  • Il est en mesure d'emprunter et de faire face aux paiements exigibles pour le prêt (intérêts et remboursement du capital).
  • Il est capable de se relever financièrement s'il perd la valeur totale du placement.

L'investisseur ne devrait pas changer son profil malgré l'attrait exercé par la déductibilité des intérêts. Si la possibilité de gains existe, le risque de perte est réel, et ce, même sur des périodes de 10 ans. L'épargne systématique est souvent plus fiable et moins risquée. Elle permet notamment d'entrer progressivement dans les marchés financiers.

L'application de la stratégie de l'effet de levier est une décision qui ne doit pas être prise à la légère. Au besoin, il peut être recommandé de demander l'opinion de plus d'un conseiller afin d'être très à l'aise avec le niveau de risque inhérent à l'effet de levier.

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